Aujourd’hui je vous emmène dans un royaume oublié d’Asie du Sud-Est, en effet je vous fais découvrir ce qu’il reste d’Oc Eo, l’ancienne capitale du royaume du Funan. On part en fait dans le Sud du Vietnam et plus particulièrement dans l’Ouest du Delta du Mékong !

Note : cet article est plus un article “culture générale” qu’un véritable guide de voyage, à ce titre il devrait vous apporter peu d’informations pour préparer un voyage mais saura aiguiser la curiosité de certains. L’article présente d’abord ce qu’est le royaume du Funan, partage ensuite mon expérience (ce qu’on a vécu en visitant la région) puis ouvre sur quelques pistes pour en apprendre davantage (des vidéos Youtube intéressantes notamment). 

Je fais que de vous le dire que le delta du Mékong ce n’est pas que des noix de coco et des rizières !

Contexte géographique

Nous sommes à la fin 2020 et je suis dans le delta du Mékong avec ma femme pour une petite dizaine de jours. En quittant Can Tho nous prenons la direction de Tri Ton, cette région absolument sublime avec ses palmiers à sucre et sa forte communauté d’origine Khmère. J’ai prévu de prendre une route un peu bizarre afin de pouvoir rejoindre Oc Eo.

Oc Eo se trouve dans le delta du Mékong entre Can Tho et Ha Tien, actuellement c’est une bourgade située juste à côté d’une petite montagne, difficile donc d’imaginer que cette ville a été la capitale d’un des royaumes les plus importants d’Asie du Sud Est… et pourtant… au milieu de nul part se trouve une ville tombée dans l’oubli qui était autrefois très importante.

Oc Eo, entre Can Tho et Tri Ton !

L’histoire du royaume de Funan

Je ne suis pas historien et je vais donc essayer de vulgariser cela le plus simplement possible (si vous avez des éléments à ajouter n’hésitez pas à mettre un commentaire). Le royaume de Funan était un royaume situé sur une région qui allait du Cambodge au delta du Mékong.

On parle du royaume du Funan du 1er au 10-11ème siècle. Pour rappel le royaume de Bagan commence lui au 9-10ème siècle et celui d’Angkor commence lui aussi autour du 9ème. Funan c’est donc vraiment très très vieux et il y a un énorme manque d’écrits ce qui fait que ce royaume est généralement peu connu.

Carte du royaume du Funan – Source

Le royaume était relativement prospère puisqu’il se trouvait pile entre la Chine et l’océan Indien. D’ailleurs en cherchant sur le royaume j’ai découvert sur Wikipedia qu’à l’époque les marins ne faisaient pas le tour par le détroit de Melaka (à Singapour quoi) mais avaient tendance à décharger les marchandises sur la fine bande de terre Thaïlandaise entre la mer Andaman et le golfe de Thaïlande puis embarquer les marchandises sur d’autres bateaux de l’autre côté. Pour faire très cliché les marins déposent leurs marchandises sur la côte Est de la Thaïlande, et d’autres marins récupèrent les marchandises côte Ouest.

Les historiens ne semblent pas certains de la composition de la société mais il semble y avoir un consensus sur le fait que :

  • Le royaume était principalement peuplé de Khmer avec de profondes influences hindouistes
  • Qu’il s’inscrivait dans la continuité de la période préangkorienne
  • Qu’il était un peuple riche avec une marine très importante (lui permettant de “régner” sur la région).

En revanche il n’y a pas de consensus sur l’unité du royaume du Funan qui pourrait aussi avoir été par moment un réseau de cité prospères et assez indépendantes.

Dans la vidéo ci-dessous vous pouvez voir l’extension puis la chute du royaume de Funan (la période est en bas à droite) :

Avant de parler d’Oc Eo (la ville du delta du Mékong) je me dois quand même de vous partager une petite partie du texte sur Wikipedia :

Le site d’Óc Eo semble avoir été un point névralgique de la route commerciale entre l’Inde et la Chine. Les fouilles ont révélé, outre des objets en provenance de ces deux pays, d’autres originaires de Perse ou de l’empire romain. Le philologue allemand Albrecht Dihle (de) pense pour sa part qu’Óc Eo est le site qui s’accorde le mieux au Kattigara mentionné au iie siècle par le géographe Claude Ptolémée, un oppidum où se rencontrait les marchands chinois et romains et pointe orientale des routes maritimes de l’empire.

George Cœdès confirme que le Fou-nan devait bien occuper une position clé sur les routes maritimes commerciales et être une escale incontournable pour les bateaux qui venaient du détroit de Malacca et ceux, probablement plus nombreux, en provenance des isthmes de la péninsule malaise et qu’il a pu être une destination pour des marchands de l’est méditerranéen, mais pour lui le Kattigara évoqué par Claude Ptolémée devait être plus à l’ouest dans le golfe du Siam. Le livre des Liang attribue pour sa part ce centre d’échanges commerciaux à un royaume appelé Touen Siun, situé « à plus de 3 000 li (1 500 kilomètres) de la frontière méridionale » du Fou-nan et qui en est le vassal ; la capitale est « à 10 li (5 kilomètres) de la mer » ; sa partie occidentale « touche à l’Inde, à la Parthie et à l’extrême lointain » alors que son territoire oriental le « met en relation avec le Tonkin ».

Dès le début du xxe siècle, Paul Pelliot le situe dans la péninsule malaise. Toujours est-il que des monnaies romaines ont été retrouvées dès les années 1940 à Óc Eo par l’archéologue français Louis Malleret. Elles comprennent des pièces d’or à l’effigie d’Antonin le Pieux et de son fils adoptif Marc Aurèle. Cette découverte est à relier à la première mention d’un ambassadeur romain en Chine vers 166, envoyé par un empereur nommé An-dun, qui semble correspondre à Antoninus Pius ou à Marcus Aurelius Antoninus et qui arriva par la frontière sud-est de l’empire des Han.

On reprend notre histoire… en 2020 !

Bref nous voici avec ma femme en train d’arriver sur Oc Eo, nous avons quitté Can Tho dans la matinée et avons pas mal roulé en direction de cette petite ville. Chose assez amusante mais Oc Eo est la première petite montagne du delta du Mékong lorsque vous venez de Can Tho, c’est donc difficile à louper (comme les rizières qui sont partout !).

A l’extrême gauche de cette photo on peut voir la petite montagne

En arrivant à Oc Eo j’ai déjà préparé un peu et j’ai donc localisé sur la carte les endroits à voir. Cependant j’ai aussi trouvé très peu d’information (c’est un euphémisme) sur les sites majeurs à voir dans la région et on y va donc aussi en partie au petit bonheur la chance. En arrivant la ville on se trouve juste en dessous de la montagne et on part directement jusqu’à une pagode qui semble connue, cela ne semble pas être le bon endroit puisque la pagode est toute neuve.

A côté il y a néanmoins un petit panneau qui indique l’endroit que l’on cherche, c’est littéralement des ruines et il y a un grand panneau qui explique ce que c’est… je sais plus trop quoi.

Difficile de s’émerveiller et je me dis “putain Hoa (ma femme) va me buter, on a fait 3 heures de route pour voir des pierres”.

On va plutôt découvrir le superbe musée d’Oc Eo sur le royaume du Funan

Sur internet j’ai pu voir une espèce de musée mais je n’ai pas pu le localiser sur Google Map. Vu que la pagode et les ruines étaient des échecs cuisants, je demande à ma femme de montrer la photo du musée aux habitants pour savoir où il se trouve. Quelques minutes plus tard nous sommes devant le bâtiment principal, ça ressemble en effet à un petit musée.

Une fois à l’intérieur nous sommes très surpris car c’est vraiment très beau, c’est petit mais après le champs de pierre qu’on vient de voir je suis juste aux anges.

Il y a en fait une grande pièce qui est divisée en plusieurs thèmes, on parle de géographie, des bijoux, des sépultures, des maisons… enfin c’est génial et c’est même en anglais. Je vous laisse donc ci-dessous avec chaque partie et les explications provenant directement du musée.

Il y a une dame qui s’occupe du musée, en discutant avec elle elle nous explique qu’il y a très peu d’étrangers qui viennent à Oc Eo, et les quelques uns qui passent tous les ans sont plutôt là pour des recherches académiques. Elle nous proposera très gentiment un livre sur le royaume de Funan et Oc Eo (faut payer hein !), ça a été écrit par des japonais (ou Coréens ?) mais notre sac est déjà plein à craquer (le livre est imposant et ne passera pas !).

En route vers la pagode de Linh Son

En quittant le musée nous sommes très contents, c’était bien mieux que notre champs de pierre et ma femme a aussi pu en apprendre plus sur une culture un peu oubliée du Sud du Vietnam.  La dame qui s’occupait du musée nous a donné un prospectus avec d’autres sites mentionnés et nous retournons dans la première pagode qui semble en fait importante.

Sur le chemin il nous arrive un truc de fou, un mec transporte 3 bouteilles de gaz sur sa moto, il s’arrête à un mariage et il y a des flammes à l’arrière d’une bouteille de gaz, les 3 hommes autour de lui semblent bourrés et la flamme doit facilement faire 50 centimètres. Alors que je fais demi-tour dans la précipitation les hommes rigolent et éteignent la flamme.

J’ai l’impression qu’un mec a ouvert la bouteille de gaz sur la moto (à l’arrêt) et l’a allumé avec un briquet juste pour rigoler (ils sont complètement bourrés). Avec ma femme on est en mode “putain mais qu’ils sont bêtes”.

Nous arrivons devant la pagode, cette fois on s’arrête vraiment et l’intérieur est très beau, il y a une longue allée avec plein d’arbres et l’endroit est très relaxant.

En fait cette pagode est connue car elle possède un ancien artefact de l’époque Oc Eo avec un bouddha à 4 bras qui vient d’une ancienne statue de Vishnu (le dieu Hindouiste qui a… 4 bras).

Nous nous dirigeons ensuite vers un autre site (Go Cay Thi) qui est lui aussi un immense champs de ruine. Une partie du site est repose sur les restes d’un temple visiblement hindouiste orienté vers l’Est, pas grand chose d’autre à vous dire les images parlent mieux que mes mots !

Il est déjà relativement tard dans l’après-midi et nous devons encore rouler jusqu’à la sublime région de Tri Ton qui se trouve à moins d’une heure d’Oc Eo.

Sur le chemin nous repassons devant le mariage (avec les bouteilles de gaz), un mec vient tout juste de monter sur sa moto, il a dû énormément boire et il zigzag tant bien que mal sur la route (il fait des écarts de 2-3 mètres, roule dans des trous et manque de se cogner la tête sur le guidon, etc.). On le suit donc pendant 2 minutes avec une bonne distance de sécurité avant qu’il ne tourne je ne sais où. Le mariage avait vraiment l’air d’être la réunion des doctorants en physique quantique de la région.

Nous n’aurons pas le temps de découvrir d’autres pagodes et lieux mentionnés sur la brochure, il faut maintenant que l’on roule jusqu’à Tri Ton car… un coucher de soleil nous attend !

Conseils pour Oc Eo

  • Oc Eo n’est clairement pas une visite incontournable du delta du Mékong, hormis si vous avez une vraie passion pour l’histoire et les civilisations anciennes (je me dis aussi que cet article pourrait aider certains passionnés d’histoire à préparer un voyage dans le coin !).
  • Il est possible d’intégrer Oc Eo sur la route entre Can Tho et l’incroyable région de Tri Ton (oui j’ose) ou entre Rach Gia et Long Xuyen (sur un hypothétique retour de Phu Quoc par exemple).
  • Oc Eo est vraiment une toute petite ville, il y avait l’air d’avoir quelques Nha Nghi (les guesthouses) vraiment craignos donc je vous recommande de surtout pas dormir là bas et de pousser jusqu’à Tri Ton par exemple (dans les faubourgs de Tri Ton il y a 1 ou 2 hôtels corrects à 40-50€ la nuit).
  • Les lieux visités dans l’article sont :
    • Pagode de Linh Son avec les ruines de Linh Son juste à côté
    • L’espèce de musée qui s’appelle Ban Quan Ly Khu Di Tich Oc Eo OU Nhà Trưng bày Văn hóa Óc Eo (le point GPS sur Google Maps est pas hyper précis, mais c’est impossible de le manquer)
    • Le second site de ruine qui est Gò Cây Thị
    • D’autres lieux étaient mentionnés dans la brochure du musée (si ça peut aider) :
      • Pagode de Kalbopruk (qui nous a été recommandée par la dame du musée)
      • Son Tien Lu (au sommet de la montagne avec une route très difficile d’après la dame du musée)
      • Ho Da Oc Eo (le lac)
      • Đen Thờ Phan Thanh Giản
  • J’ai beaucoup aimé cette étape à Oc Eo car je voulais y aller et que c’était déjà mon troisième passage à Tri Ton et sûrement genre cinquième ou sixième dans la province de l’An Giang, je le répète encore une fois mais il n’y a rien de vraiment beau hormis le petit musée, le reste est moyen (ma femme aurait plutôt dit “à chier”) et à ce titre vous devriez passer du temps dans d’autres endroits de la province de l’An Giang (Tri Ton, Chau Doc, Long Xuyen, Tuan Chau, etc.). Gardez à l’esprit que cette région est magique et qu’elle est peuplée depuis un paquet de temps.

En apprendre d’avantage sur Oc Eo et le royaume du Funan

Sachez qu’en préparant cet article j’ai lu pas mal d’autres articles et que par moment j’en perdais un peu mon Funanais tellement les informations pouvaient être différentes, notamment sur l’unité du royaume (avec un pouvoir central fort) ou sur au contraire la galaxie de cités importantes qui formait un ensemble assez hétéroclite.

Etant donné le manque de documents à étudier beaucoup de choses sont basées sur des écrits d’autres royaumes et sont donc par nature assez peu précis (faut dire qu’ils avaient pas Google Maps). Si vous cherchez à en apprendre plus vous pourriez jeter un oeil à :

  • La page Wikipedia en français ou en anglais
  • Une série de vidéo sur Youtube qui présente le royaume de Funan, le rythme est très lent donc ce n’est pas très excitant mais il y a 9 vidéos (en anglais) sur cette chaine Youtube, chaque vidéo parle de la région, l’organisation politique, le commerce, etc.
  • Une vidéo retraçant tous les différents royaumes d’Asie du Sud-Est de 300 à 2017 (c’est le genre de truc que j’adore regarder)

Questions ?

Vous avez des questions sur Oc Eo ? N’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous.